Chroniques

par bruno serrou

Jean-Louis Agobet à l’honneur

Aspects des musiques d’aujourd’hui / Conservatoire de Caen
- 19 et 20 mars 2010
Jean-Louis Agobet à l’honneur du festival Aspects des musiques d’aujourd’hui
© elsa bercker

Superbe outil que le CRR de Caen la Mer, riche de deux auditoriums confortables et à l'acoustique exemplaire, avec respectivement neuf cent et cent trente places. Le plus grand, qui est aussi la salle de concert de l'Orchestre de Caen, est, une fois par an depuis vingt-huit ans, le cadre du festival Aspects des musiques d'aujourd'hui qui attire les foules et engage toutes les forces du lieu, des professeurs jusqu’aux élèves les plus jeunes. L’édition 2010 était consacrée à Jean-Louis Agobet. Compositeur en résidence et professeur de composition dudit conservatoire, Agobet atteint à quarante-deux ans la maturité.

Le concert d’ouverture le confrontait à deux œuvres du Japonais Akira Nishimura, dont un remarquable Duologue pour piano, dans le grave et en résonnance et six timbales, mises en regard avec La Voix Claire pour douze voix mixtes, seconde partition vocale d'Agobet, elle-même inspirée des nombreux séjours du Français au Japon. Le soir venu, la grande salle est témoin de la création du Concerto pour violoncelle et orchestre d'Agobet par Xavier Phillips, l'Orchestre de Caen et Hans Leenders. Il s’agit d’une œuvre puissante, sensible, virtuose, où l'orchestre et le soliste sont traités en égaux, avec une grande et belle cadence dans le mouvement lent, affirmant sa maîtrise du temps et de l'espace, avec un orchestre sonnant en résonnance comme un immense violoncelle, et un soliste jouant comme un orchestre entier. L’instrument soliste se fond parfois dans les tutti pour mieux s’en détacher ensuite, comme s’il venait y puiser des forces et reprendre son élan. Xavier Philips, pour qui l’œuvre a été composée, s'impose une fois de plus comme un musicien d'exception, tandis qu’Agobet signe l'une de ses plus belles partitions.

Un concert de musiques mixtes acoustique/électroacoustique démontre encore les limites du genre, toutes générations confondues, que ce soit avec bande ou en temps réel, y compris Post-Prae-Ludium per Donau de Luigi Nono par l'excellent tubiste Patrick Treol. En vérité, le problème est la maitrise du temps, trop distendu pour tous, que ce soit Nono, Gilles Sivilotto (très beau travail de Guillaume Cubero, violon, luttant avec une bande trop agressive) ou Pierre Charvet (fort bien défendu par l'altiste Nathan Braude), enfin Agobet, avec la voix de Michael Lonsdale.

Armand Angster et son ensemble Accroche Note donnent une émouvante interprétation d’Esprit rude, Esprit doux qu’Elliott Carter, l’invité de l’édition 2005 [lire nos chroniques d’alors : soirée d'ouverture du festival Elliott Carter, Elliott Carter : deuxième chapitre, troisième journée Elliott Carter], a dédié à Pierre Boulez pour ses soixante-dix ans. Mais En Trio de Gilbert Amy recèle de nombreux tunnels et l’interprétation n'est pas exempte de décalages. Leben confirme combien Agobet aime le violoncelle, tandis que, donné en création mondiale, son quintette Eclisses s’avère dense et varié. Stéphanie-Marie Degand offre de Fauve (pour violon) de Bernard Cavanna une lecture ardente, lumineuse, sensuelle, de son archet sûr au grain soyeux.

La part la plus touchante de ce festival se situe ailleurs : dans les concerts des élèves du conservatoire, des premières classes aux niveaux les plus élevés. Ainsi des petits flûtistes jusqu’aux pianistes en perfectionnement, nombreux sont ceux qui, sous l’égide d’Agobet et de leurs professeurs et selon leurs moyens, participèrent à la réussite de cette manifestation qui a pour seul équivalent le festival Aujourd’hui Musiques initié par le CRR de Perpignan, au mois de novembre.

BS